La promenade du dragon

La procession du Dragon ou Fêtes données en l’honneur de la déesse Thiên hậu thánh mẫu.
Tous les éditeurs ont immortalisé cette fête.

Cette fête attirait tous les ans à Cholon une affluence considérable d’Annamites et de Chinois venus de tous les points de la Cochinchine.

Elles avaient lieu le 18 du 3ème mois et se terminaient le 23, ayant duré 6 jours pleins.

Elles débutaient par une longue procession à laquelle contribuaient ou prenaient part les commerçants, les industriels, les entrepreneurs et les corporations professionnelles et se terminaient par une seconde procession identique.

Les Européens appelaient ces processions " La promenade du Dragon" à cause de l’exhibition du fabuleux animal en bois recouvert de papier que promenaient sur des perches de nombreux porteurs.

Procession
Le 18 dès l’aube, on entendait dans les rues avoisinantes le brouhaha d’une multitude grouillante envahissant la pagode brillamment décorée et illuminée pour la circonstance, et flanquée sur le devant, d’un vaste hangar en bambou, décoré également avec art et sous lequel se massait, à certaines heures de la journée et de la nuit, une foule compacte, assistant à l’œil et debout pendant des heures, à des représentations théâtrales données sur une immense plate-forme établie en face en bambous et en madriers et protégée des intempéries de l’air par une toiture de paillote.

Le cortège se formait dans l’ordre prescrit d’avance et mettait au moins une heure et demie tant était longue sa composition.
Enfin au son d’une musique criarde, le défilé s’ébranlait.

Des Chinois, coiffés de larges chapeaux de paille fine tressée en forme de cymbale, sous lesquels pendaient, derrière leur dos leurs longues tresses de cheveux et court vêtus de rouge, ayant à la main des armes anciennes ; hallebardes, haches, piques etc.... ; ouvraient la marche, suivis de près des porteurs, costumés de la même façon, de bannières, d’étendards, de parasols de soie brodée de forme de dais circulaires et d’un grand brûle-parfum nickelé, déposé sur une table, que portaient quatre hommes, et dans lequel se consumait une bûche de bois d’aigle ou de sandal, entourée de baguettes d’encens répandant une odeur pénétrante.

Cochinchine Cholon - Procession du dragon - 1 la tête - AT 50 - @390 #2737 -Imp Réunies Nancy
A.T.

Puis venaient en rangs serrés de deux, des notables chinois vêtus à la mode mandchoue : robes de soie bleu-foncé à larges manches, avec plastron brodé sur la poitrine, larges pantalons de même tissu et de même couleur, chapeaux de soie en forme de coupe renversée. Ils avaient aux pieds des souliers de soie brodée avec semelles de feutre et des éventails de plumes à la main.

Cochinchine Cholon - Procession du dragon - 2 - AT 51 - @391 #2736 - Imp Réunies Nancy
A.T.

Tous les figurants étaient abrités du soleil ardent à cette époque par un rectangle formé d’étoffe blanche et épaisse maintenu horizontalement par quatre porteurs.

Cochinchine Cholon - Procession du dragon 3 - AT 52 - @392 #2735 -Imp Réunies Nancy
AT

De nombreux enfants chinois des deux sexes de 6 à 8 ans mués en personnages historiques sous les costumes d’apparat, montés à cheval, représentaient les pèlerins ou les envoyés des cours impériales auprès des princes bouddhistes de l’Inde.

Cochinchine Cholon - Procession du dragon - Collection Ferté n°8 - @393 #2747
ferté

De distance en distance, le défilé était entrecoupé par des troupes de musiciens, jouant les uns des instruments à cordes, les autres des instruments à vent, et dont le concert était règle par un chef d’orchestre tapant à tour de bras, sur la peau d’un grand tambour, que portaient deux hommes sur une caisse de bois laqué, sculpté et doré en forme de dais rectangulaire. Des cymbales de bronze, dont les bruits assourdissants dominaient tous les concerts étaient espacées dans le défilé où figuraient également des porteurs de lanternes chinoises, de poissons, de batraciens, d’animaux divers faits en bois, recouverts de gazé transparente. De nombreuses inscriptions en relief, que portaient des banderoles flottant au vent, indiquaient de distance en distance, la participation de chaque corporation professionnelle à cette manifestation en l’honneur de la déesse, dont le palais portatif, vraie miniature en bois finement travaillé, un bijou artistique, précédé d’une dizaine d’individus sobrement vêtus censés représenter le personnel domestique, s’avançaient majestueusement, porté par huit hommes affublés de tuniques rouges et chaussés de grosses bottes chinoises.

Cochinchine Cholon - Procession du dragon - Decoly 58 - @395 #2750
Decoly

Au passage du palais, les têtes s’inclinaient ou se découvraient et les pétards, tirés par les riverains crépitaient dans l’épaisse fumée où l’on distinguait, entre deux rangs de guerriers simulés, armés de lances et de boucliers, une grosse licorne (Kỳ-lân) se livrant à ses ébats fantastiques, tout en poursuivant un globe à éclat métallique qu’un Chinois, costumé en boxeur, faisait miroiter devant ses yeux énormes, sortant de leur orbite. Les ébats de cet être fabuleux ou préhistorique étaient cadencés par de grands coups frappés à tour de bras, sur la peau d’un tambour porté en balance par deux mercenaires marchant à côté du monstre supposé. Inutile de dire que les oreilles peu habituées à ce vacarme infernal se bouchaient instinctivement au passage de cet animal et de cet autre, non moins fabuleux, le dragon, long d’une vingtaine de mètres, qui le suivait de près et qui fermait la marche.
Au cours de la longue randonnée, sous un ciel de feu, les gens et les bêtes suaient, souffraient. Heureusement les premiers avaient à leur disposition de quoi éteindre leur soif : des plateaux de bois chargés de rafraîchissements ; limonade, bière, thé, cigares et portés par des coolies, étaient échelonnés de façon que tout le monde put se rafraîchir à volonté.

Cochinchine Cholon - Procession du dragon - Planté 177 - @394 #2753
Planté

Enfin vers midi, la procession se disloquait, le palais portatif de la déesse rentrait à la pagode au milieu des crépitements des pétards. Les cérémonies et les représentations théâtrales se succédaient alors nuit et jour jusqu’au 23.

A cette date, une seconde procession de composition identique, parcourant les mêmes artères, clôturait définitivement les fêtes.

Au cours de ces dernières, la pagode était littéralement envahie par l’affluence des profanes et des croyants. La pièce principale où se trouvait le maître-autel était noyée dans une atmosphère étouffante de chaleur et de fumée épaisse, émise par les mille bâtonnets d’encens, chandelles ou cierges allumés en permanence, par la combustion de nombreux papiers cultuels et par les pétards tirés à intervalles rapprochés.

Le sanctuaire était naturellement noir de fumée qui ne paraissait pas autrement incommoder les nombreux fidèles Chinois et Annamites, surtout du sexe féminin, priant ou consultant la déesse à genoux.

Les offrandes se succédaient à toutes les heures de la journée, sans le concours d’aucun bonze, ici comme dans tous les temples désignés sous le nom générique de Miếu et dédiés aux génies ou aux personnages déifiés.

Ces offrandes consistent ordinairement en un porc rôti en entier, offert sur un plateau de bois, accompagné de bánh-bao, gâteaux d’accommodement de forme semi-sphérique faits de froment.

Ces offrandes étaient retirées ensuite par ceux qui les avaient apportées, quitte à payer au Từ les frais nécessités par l’achat des bâtonnets d’encens et du papier argenté et doré dont il détient seul le monopole dans l’enceinte de la pagode.

D’après Pagodes chinoises et annamites, Lê văn-Lưu -1931

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